Le jour où mon mari fut emprisonné par les Talibans
Photo : Alexandre Requintel
Le jour où mon mari fut emprisonné par les Talibans
par Aleksandra Mostovaja (Copenhague, Danemark)
par Macha Matalaev (Paris, France – traduction française)
LE 7 janvier 2023, mon mari, Mortaza Behboudi, fut emprisonné par les talibans pour son travail de journaliste en Afghanistan. Il fut accusé d’espionnage, sans qu’aucune preuve ne soit présentée. Ce jour-là, ma paisible vie d’étudiante en architecture prit fin : je suis devenue l’épouse d’un prisonnier que je n’avais aucun moyen de contacter. J’endossai le rôle d’une militante, d’une journaliste, d’une porte-parole et d’une activiste obligée de manœuvrer à travers des processus diplomatiques complexes.
J’ai acquis la capacité d’arrêter le temps, de mettre ma vie entre parenthèses et de faire abstraction de ma propre personnalité, car je me consacre entièrement à faire sortir mon mari de prison. Le temps est devenu mon ennemi, chaque seconde se transformant en éternité. Je pense sans cesse à ce que Mortaza ferait à ma place et j’essaie de faire la même chose : remuer ciel et terre.
Mortaza est sans aucun doute la personne la plus courageuse et la plus généreuse que je connaisse. Il a une capacité d’empathie extraordinaire et fait de son mieux pour aider les autres, même si cela implique de mettre sa propre vie en danger. Un nombre impressionnant de personnes, qui ont par le passé reçu de l’aide de Mortaza, m’ont contactée pour me proposer à leur tour de l’aider. Je suis profondément reconnaissante pour tout le soutien et toutes les belles histoires à son sujet que les gens ont partagées avec moi. Un ami m’a raconté qu’un jour, Mortaza a quitté la scène au milieu de la présentation de son propre film pour répondre à l’appel téléphonique d’une journaliste afghane qui était en danger. De telles histoires ne peuvent concerner que Mortaza : j’y reconnais la personne qu’il est réellement.
En 2019, Mortaza fut le seul journaliste à réaliser un reportage à l’intérieur du plus grand camp de réfugiés d’Europe, appelé à l’époque Moria, sur l’île de Lesbos, en Grèce. Il a passé six mois sous couverture à Moria pour produire le documentaire « Moria, a Living Hell » (« Moria, un enfer vivant »), qui exposait les conditions désastreuses auxquelles les réfugiés étaient confrontés dans le camp. Ses activités lui ont valu d’être menacé par des politiciens grecs et de devoir finalement demander l’aide d’une organisation de défense des droits de l’homme, RSF (Reporters sans frontières).
Malgré tous les dangers intrinsèques à son travail, Mortaza n’a jamais cessé de traiter des sujets difficiles. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il se mettait en danger pour faire des reportages en Afghanistan, il m’a répondu qu’il ne pouvait pas vivre confortablement dans la sécurité de l’Europe tout en sachant que des gens souffraient dans tant d’endroits différents. Il sait qu’il peut faire la différence, et c’est pourquoi il est incapable de s’arrêter. Aujourd’hui, après avoir donné une voix à tant de personnes réduites au silence, il ne peut plus s’exprimer. C’est à nous d’être sa voix. Je nous exhorte tous à soutenir mon mari, Mortaza Behboudi, et à partager son histoire afin qu’il puisse rentrer chez lui le plus rapidement possible.
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